Kim Howells, actuel ministre britannique de la Culture, visitant à la Tate Gallery l’exposition des oeuvres des artistes nommés pour l’attribution de l’annuel Turner Prize (20 000 livres attribués l’an passé à Tracy Emin pour son “lit défait avec reliefs d’orgie”, a accroché au clou prévu à cet effet le commentaire suivant : “Si ceci est le meilleur de ce que peuvent produire les artistes anglais, alors l’art britannique est perdu. Ceci n’est rien d’autre qu’une froide, mécanique et conceptuelle bouse de vache”.
Décidément ces anglais n’ont pas fini de nous surprendre. Ils ne font rien comme tout le monde. Non seulement ils persistent à conduire leurs automobiles à gauche avec le volant à droite, mais ils nous inventent maintenant la conduite artisticly incorrect, la tête en bas, sans droite ni gauche et sans volant..
Imaginez un moment notre ministre français de la culture affirmant que tel artiste installationniste, c’est de la crotte conceptuelle, c’est du pet d’usine à gaz culturelle, c’est du cambouis institutionnel… Quel ébahissement !
Imaginez qu’il rajoute comme Kim Howells “Les arts ont été depuis très longtemps dans les griffes d’un groupe de vieux croulants constipés… Ce dont nous avons besoin, c’est de quelques vrais rebelles et quelques vrais révolutionnaires pour les balancer à l’eau”… Quelle pagaille dans l’hexagone ! On verrait alors les gardes-rouges de l’art officiel, les ex-maos recyclés dans le culturel, les agents multicartes de l’artistiquement correct, les groupies sèches de Catherine Mouillée, envahir la rue pour hurler à l’aménhorrée… que dis-je, à l’apostasie !… Pendant que “l’homme de la rue”, lui ( par définition réactionnaire populiste et béotien attardé), montant dans les étages, leur balancerait sur la tête tout ce qu’ils ont pu accumuler d’objets divers et contondants en guise d’oeuvres d’art, depuis trente ans …
Imaginez tel ancien haut responsable du parti communiste français, authentique prolétaire d’origine, animateur de grèves historiques, comme l’est le divin Kim, nommé rue de Valois et se permettant de telles incongruités de langage. Imaginez que, dans la foulée, notre parti révolutionnaire national affirme brusquement que ce nihilisme qui est le principal ingrédient de l’art internationaliste de “haut niveau”, n’est que cynique et odieuse coquetterie de nantis, n’est que signe d’appartenance à la classe dominante, n’est que stratégie de marketing ou argument publicitaire, n’est qu’un des aspects du néo libéralisme économique planétaire , etc. et ne concerne en rien les forces vives et créatrices de ce pays… Quel émoi dans les réunions de cellules!
Imaginez enfin que la gauche française, celle-là même qui a si peur de passer pour poujadiste quand il s’agit de culture, se libère les yeux de cette espèce d’écran-tabou (…se de vache) idéologique de classe (cette “classe” qui, en la matière, ne fait pas lutte) et s’aperçoive qu’elle a tout pensé et fait à l’envers… Quels meuglements dans les étables (… issements d’art)!