Un «Père Noël» de Paul McCarthy était à l’entrée de la foire d’art contemporain de Bâle 2007 , sous titrée ART UNLIMITED, et qui battit des records d’affluence et de ventes.
Il y avait aussi, sur le parvis de la foire, un camion porte-engin, de Wim Delvoye surmonté d’un bétonneuse de 23m de long et d’une dentelle d’acier de 10 tonnes façon cathédrale gothique.
200 jets privés sont arrivés le même jour à l’aéroport et ont lâché des hordes de «gros acheteurs» venus du monde entier pour prendre d’assaut dès l’ouverture les 300 stands offerts à leur voracité collectionneuse.
Une frénésie qui valait presque celle des soldes aux Galeries Lafayette… Sauf que là, rien n’était soldé, mais au contraire se devait d’atteindre un prix pharamineux pour être vendable.
Le galeriste parisien Emmanuel Perrotin – comme la plupart de ses confrères – a, dit-on, tout vendu dès le premier soir et a dû refaire un accrochage pour le lendemain avec toutes sortes d’objets lui tombant sous la main.
2300 journalistes, 60000 collectionneurs, conservateurs, amateurs d’art de toute la planète étaient à ce rendez-vous « incontournable » : c’est dire qu’à Bâle, cette année, on a bien dépassé les bornes, les normes, les limites, pour un art en effet « unlimited » à tous les points de vue.
Le colossal et grossièrement phallique nain de jardin de Paul Mc Carthy placé en figure de proue de ce gigantesque Radeau de la Méduse, évoquait exactement l’esprit de la manifestation et ce que pouvait être la pensée ou la culture artistique de ces giga-collectionneurs en jets privés, qui se reconnaissaient assurément tous dans l’arrogance et le cynisme très kitch de cette œuvre conjuguant magistralement gigantisme de la forme et nanisme du fond.
Nous assistons donc bien, avec cette méga-foire, au développement illimité d’un trou du sens, d’une béance de l’être, d’un phénomène stratosphérique qui dépasse le commun des mortels, incontrôlable comme le trou de la couche d’ozone ou comme la croissance du taux de gaz carbonique atmosphérique aux dépens de l’oxygène.
Et comme ces trois choses sont évidemment liées et participent de ce même triomphe planétaire de l’inepte, il est permis de penser que nous, pauvres humains, sommes irrémédiablement foutus, asphyxiés, rayés de la surface terrestre d’ici peu de temps… et que l’art tel qu’il est proposé à la Foire de Bâle contribue à cette catastrophe annoncée.
Sauf si l’on commence à ne plus croire à ce genre de Père Noël…